Le cadre de référence des blocs et des rayures caractéristiques de l'Irlando-américain Sean Scully est vaste. De l'hypothèse centrale de Malevich selon laquelle la géométrie peut fournir les moyens d'une compréhension universelle à l'approche passionnée de Rothko en matière de couleur et de rendu du sublime dramatique, Scully a appris à condenser la splendeur du monde naturel dans des modes simples de couleur, de lumière et de composition. Né à Dublin en 1945 et élevé à Londres, Scully était bien formé au dessin figuratif lorsqu'il décida de retrouver l'esprit de son modèle, Henri Matisse, en visitant le Maroc en 1969. Il est captivé par les éblouissantes mosaïques en tesselles et les tissus richement teints et commence à peindre des grilles et des stipes de couleur. Ses aventures ultérieures ont été une source d'inspiration supplémentaire : le jeu de lumière intense sur les surfaces réfléchissantes des ruines mayas et les anciennes dalles de pierre de Stonehenge ont apporté la sensation de lumière, d'espace et de mouvement géométrique aux peintures de Scully. La capacité de retracer l'impact des voyages de Scully à travers ses peintures réaffirme la valeur de l'art abstrait comme pierre de touche de l'expérience de la vie réelle.

Peint dans des teintes riches et profondes, avec des surfaces superposées et nuancées, Grey Red est à la fois poétique et plein de formalisme musclé. Scully appelle ces formes élémentaires des "briques", ce qui suggère les calculs formels d'un architecte. Comme il l'explique, "ces relations que je vois dans les embrasures de porte des rues, dans les fenêtres entre les bâtiments et dans les traces de structures autrefois pleines de vie, je les prends pour mon travail. J'utilise ces couleurs et ces formes et je les assemble d'une manière qui vous rappelle peut-être quelque chose, même si vous n'en êtes pas sûr" (David Carrier, Sean Scully, 2004, p. 98). Son approche est organique, moins formelle ; les choix du peintre intuitif consistent à superposer une couleur sur une autre de façon à ce que les teintes et les couleurs contrastantes vibrent avec une énergie subliminale. On pense à Diebenkorn dans sa recherche d'une lumière rayonnante. Mais ici, les bandes rayonnantes de rouge terracotta, de gris, de taupe et de noir de Grey Red résonnent d'une énergie profonde et fumante et évoquent une passion bien plus touchante que ce que l'on pourrait croire. Comme l'a écrit son bon ami Bono, "Sean aborde la toile comme un kickboxeur, un plâtrier, un constructeur. La qualité de sa peinture est le reflet d'une vie vécue".