L'exposition exclusive en ligne donne un aperçu souvent inédit de la carrière artistique de Morris Louis, celle de ses premières années. Les œuvres de l'exposition, situées et disponibles dans les galeries d'Heather James Fine Art, comprennent ses peintures négligées des années 1930 et 1940. Ceci est dû en partie au fait que ses premières peintures sont exceptionnellement rares car il était connu pour avoir détruit une grande partie de son travail qui précédait ses peintures de champ les plus iconiques en couleur. Les quelques tableaux restants existent parce qu'ils ont été donnés à des amis peu de temps après leur réalisation. Il ne reste qu'une cinquantaine de ses œuvres d'avant 1954, une petite tranche compte tenu de sa prolificité.

Si ses premières œuvres sont reconnues, ce n'est qu'en guise de préface à son tour, en 1954, de ses peintures de champ colorées et tachées et de l'influence de son amitié avec Kenneth Noland. C'est comme s'il était né pleinement formé dans la quarantaine, et les vingt premières années de sa carrière artistique n'avaient pas d'importance. Mais, ce serait une erreur de ne pas examiner ces œuvres pour comprendre Louis comme peintre, ce qui fait un peintre, et pourquoi il peint.

Morris Louis est né en 1912 à Baltimore. Décidant très tôt de consacrer sa vie à l'art et rompant avec les attentes de sa famille, Louis a fréquenté le Maryland Insitute of Fine and Applied Arts (maintenant Maryland Institute College of Art). Il a fait des petits boulots pour soutenir sa peinture et en 1935, il est devenu président de la Baltimore Artists' Association. Il s'installe à New York en 1936 où il vit jusqu'en 1940.

Pendant son séjour à New York, il a travaillé dans la division chevalet du Federal Art Project de la Works Progress Administration (WPA). Il a également assisté aux ateliers expérimentaux de David Siqueiros et visité régulièrement le Musée d'art moderne. C'est ici que nous voyons ces influences se manifester dans les premières peintures. Encore figuratifs, ils font l'objet d'une expérimentation et d'une volonté de situer la figure dans l'espace. Par exemple, Untitled, Head Study with Green Background présente son approche de la figuration, l'impact de ses études sous la direction du muraliste David Siquieros et l'influence d'expressionnistes comme Max Beckmann, qu'il a admiré et vu au MoMA. Sans titre, Bird Perched Near House, 1938, devient le point de rencontre d'un travail quotidien qu'il transforme en quelque chose entre acte expressionniste et réalisme social.

Louis retournera à Baltimore en 1940 où il enseigne l'art. Relativement isolé des événements de la scène artistique new-yorkaise, Louis continuera à peindre, aux prises avec la figuration et son rapport à la peinture. Dans Boy with Finching Birds, vers les années 1940, Louis continue de représenter des scènes du quotidien comme il l'avait fait dans la WPA, filtrées à travers une lentille expressionniste. Il en va de même pour Bowl of Bananas, 1946. Néanmoins, tout au long des années 1940, Louis s'oriente de plus en plus vers l'abstraction.

Épousant Marcella Siegel en 1947, Louis continuera à donner des cours d'art, s'inspirant des influences de Joan Miró. Vers 1948, Louis a fait passer son médium de l'huile à la résine acrylique mise au point par son ami Leonard Bocour. Untitled (Water Hyacinths), v. 1949, montre cette utilisation croissante de l'acrylique qui allait devenir son médium de prédilection, l'utilisant finalement pour sa fluidité. Ces œuvres illustrent la lutte de l'artiste contre l'abstraction avant de s'installer dans ses célèbres peintures sur taches.

Louis et Siegel déménageront à Washington, D.C. en 1952, ce qui sera le point tournant pour Louis. C'est là qu'il commencera son amitié avec Noland et deviendra l'un des membres éminents du domaine de la couleur et de la Washington Color School. Que devons-nous donc faire des travaux antérieurs ? Les ignorer, c'est ignorer un artiste qui s'est débattu avec la représentation, qui a trouvé son chemin vers l'abstraction et qui a traité la toile à la fois comme décor et comme objet. On le voit utiliser son temps avec Siqueiros, d'abord dans le style muraliste mexicain évident que l'on retrouve dans les peintures, mais aussi dans l'utilisation expérimentale de la peinture qui deviendra la marque de sa carrière. C'est aussi la première fois qu'il s'attaque à l'expressionnisme, né de l'admiration de Max Beckmann, qui se transformerait en expressionnisme abstrait de ses toiles tachées.