Pierre Bonnard est passé à autre chose sur le plan artistique lorsque Les Nabis, le groupe d'artistes qui a fait entrer les impressionnistes dans le^20ème siècle et le modernisme, se sont dissous en 1900. Pourtant, l'influence de ces premières années ne s'est jamais complètement dissipée. Soleil Couchant, peint deux décennies plus tard, nous ramène à une époque où Paul Sérusier partageait avec Bonnard une esquisse aux couleurs vives, presque abstraite, qu'il avait peinte sous l'œil attentif de Paul Gauguin. Cette esquisse, Le Talismanimitait les couleurs expressives et les motifs audacieux de Gauguin, mettait l'accent sur l'unité décorative et, plus important encore pour Bonnard, représentait non pas la représentation d'une scène, mais les sensations visuelles d'un peintre. Plus important encore, peut-être, c'est Bonnard qui acquiert le surnom de "le Nabi trés Japonard", ou "le Nabi ultra japonais". Il avait été initié aux gravures sur bois de l'ukiyo-e à la galerie Goupil et s'était entiché de leurs contours décoratifs, de leurs couleurs aplaties, de leurs compositions asymétriques et du Bokashi, les transitions de couleurs graduées qui sont probablement la technique la plus reconnaissable et la plus évocatrice de l'ukiyo-e. JaponismeL'interprétation de l'esthétique par un artiste français a libéré Bonnard des conventions occidentales et lui a permis de produire des œuvres intimes reflétant son tempérament personnel.

À partir de 1910, Bonnard passe beaucoup de temps sur les côtes de Saint-Tropez, Cannes et Antibes. On suppose que Soleil Couchant a été peint près d'une de ces villes côtières. Plutôt que de travailler en plein air à la manière des impressionnistes, Bonnard a maîtrisé la capacité de peindre à partir de croquis, de photographies et de la puissance de son imagination. Il était également réputé pour retoucher ses tableaux et les soumettre constamment à des modifications, changeant parfois radicalement sa conception initiale. Il avait un comportement obsessionnel, à tel point que lors d'une visite au Musée du Luxembourg, il persuada son ami Édouard Vuillard de distraire les gardes pendant qu'il retouchait subrepticement l'un de ses tableaux qui se trouvait dans la collection depuis plusieurs années.