BERTHE MORISOT (1841-1895)
Ce portrait charmant et intime d'une jeune femme aux cheveux noirs et à l'expression rêveuse, vêtue d'une robe en mousseline blanche décorée de brins bleus, est typique de l'œuvre de Berthe Morisot, peintre impressionniste par excellence. Morisot était l'une des rares femmes artistes parmi les impressionnistes qui ont émergé comme un groupe marginal d'artistes à Paris au début des années 1870. Morisot était particulièrement proche du grand peintre associé aux impressionnistes (bien qu'il n'ait jamais exposé avec eux), Edouard Manet, qui a peint plusieurs portraits d'elle. Elle a épousé Eugène, le frère de Manet. Le journal tenu par leur fille Julie Manet est l'une des plus importantes sources d'informations de première main sur le mouvement impressionniste. L'autre artiste célèbre qui a fait partie du mouvement est l'Américaine Mary Cassatt.
Morisot grandit à Paris dans une famille de la haute bourgeoisie aisée. Son père était un haut fonctionnaire. Dès son plus jeune âge, elle manifeste son ambition de devenir une artiste professionnelle. Sa mère s'arrange pour qu'elle puisse copier au Louvre, où Morisot est attirée par les œuvres de Rubens, de Véronèse et des maîtres français du XVIIIe siècle, et étudier avec le célèbre artiste Camille Corot, réputé pour ses paysages et ses portraits féminins peints dans une palette raffinée et subtile, une qualité qui est restée une caractéristique de la peinture de Morisot.
L'identité de la modèle de ce portrait n'est pas connue, mais elle ressemble beaucoup à la figure de gauche dans Les Sœurs, vers 1869 (National Gallery of Art, Washington, DC), non seulement par ses traits et l'expression de son visage, mais aussi par sa robe de mousseline blanche à pois bleus. Il se peut qu'elle soit l'une des "petites Delaroche" auxquelles Berthe faisait référence dans une lettre de l'époque mais dont on ne sait rien. Morisot était avant tout un peintre de la figure humaine et ses sujets étaient principalement des femmes et des enfants de son cercle domestique. En tant que femme artiste de la classe moyenne supérieure dans la France du XIXe siècle, ses options étaient beaucoup plus limitées que celles de ses collègues masculins. Elle ne pouvait pas, par exemple, se promener librement dans les rues et les parcs de Paris à la recherche de sujets pour ses tableaux. Et les cafés bruyants et bohèmes où Manet, Cézanne, Degas, Renoir, Pissarro et d'autres discutaient de leurs dernières théories artistiques lui étaient totalement interdits. Morisot était néanmoins très respectée par ses collègues masculins, notamment Manet. Elle n'a pas seulement participé à toutes les expositions de groupe des impressionnistes de 1874 à 1886,
à l'exception de la quatrième exposition en 1879, lorsqu'elle était malade à la suite de la naissance de sa fille, mais elle a également joué un rôle actif dans leur organisation. Sa maison était également un lieu de rencontre régulier pour les intellectuels et les écrivains de l'époque, dont le célèbre poète Stéphane Mallarmé, et pour les artistes impressionnistes.
Bien que son choix de sujets soit nécessairement limité, Morisot a réussi à peindre de nombreux portraits exquis de sa sœur, de sa mère, de sa fille et de ses amis. Le décor est souvent celui d'un salon typique d'un appartement bourgeois parisien ou d'un jardin. Au début, Morisot a été très influencée par Corot et Manet, mais à la fin des années 1870, elle a développé sa propre manière très distinctive en appliquant de la peinture finement diluée avec la plus grande liberté et spontanéité. Morisot aimait profondément l'art français du XVIIIe siècle, en particulier Fragonard et Boucher, dont la liberté de manipulation et la clarté des couleurs étaient une source d'inspiration importante pour elle. Bien que Morisot n'ait pas encore atteint la maturité de son style virtuose lorsqu'elle a peint le présent portrait en 1871, une partie de cette sensibilité et de cette confiance se fait déjà sentir dans le présent portrait de jeune femme, notamment dans les blancs transparents de la robe en mousseline et les tons doucement fondus de la peau de la jeune fille.